La continuité écologique des cours d’eau

L'Office français de la biodiversité appuie les services de l'Etat dans la préservation de la continuité écologique des cours d'eau.

Pour la grande majorité des espèces aquatiques, les lieux de reproduction, d'alimentation et de croissance ne sont pas les mêmes. Elles doivent donc pouvoir se déplacer librement entre ces différents habitats pour accomplir leur cycle biologique. De plus, cette capacité de déplacement est garante d’une meilleure résilience des espèces face à une perturbation de leur environnement.
Les cours d'eau transportent également des sédiments (graviers, sable, limon), qui jouent un rôle majeur pour les milieux aquatiques (création d’habitats , épuration des eaux, dissipation de l’énergie du cours d’eau,…).

Introduite en 2000 par la directive cadre sur l'eau, la notion de continuité écologique d’un cours d’eau se définit par la libre circulation des organismes vivants et leur accès aux zones indispensables à leur cycle de vie, le bon déroulement du transport naturel des sédiments ainsi que le bon fonctionnement des réservoirs de biodiversité.

Les obstacles à la continuité écologique

En France, les cours d'eau sont bien souvent artificialisés et fragmentés par la présence d'infrastructures ou d'ouvrages implantés par l'Homme au travers ou aux abords de milieux aquatiques pour y exercer une fonction particulière (irrigation, électricité,...).

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Rivière de l'Alagnon. Crédit photo : Lucinda Aissani / OFB
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Les ouvrages hydrauliques sont regroupés en plusieurs familles : les seuils et barrages, les canaux, les digues, les systèmes de protection contre les inondations ou contre les submersions et les aménagements hydrauliques.

Selon l’article R.214-109 du Code de l’Environnement, un ouvrage constitue un obstacle à la continuité écologique, s’il possède l’une des caractéristiques suivantes :

  • Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques ;
  • Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ;
  • Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ;
  • Il affecte substantiellement l’hydrologie des réservoirs biologiques.

Afin d'inventorier ces obstacles à l'échelle nationale et d'évaluer les risques d'impacts sur les écosystèmes aquatiques, l'Office français de la biodiversité pilote le référentiel national des obstacles à l'écoulement (ROE). Il rassemble, dans une banque de données unique, les informations consolidées et actualisées sur les ouvrages.
Chaque obstacle est identifié par un code unique à l’échelle nationale, un nom et un type d’ouvrage. Il est aussi caractérisé par d’autres informations :

  • sur son cycle de vie (en projet, en construction, en exploitation, détruit),
  • sur ses relations avec les référentiels administratifs et hydrographiques,
  • sur ses caractéristiques techniques (hauteurs, largeurs, cotes, volumes, ...),
  • sa localisation géographique,
  • sur les intervenants et leurs rôles sur l’ouvrage,
  • sur les usages qui en sont faits.

Au 3 janvier 2019, 100 108 obstacles à l'écoulement ont été recensés en France dont 99 003 en métropole. Sur les 430 000 km de cours d'eau parcourant notre pays, on dénombre en moyenne un obstacle tous les 6 km (Source : Observatoire national de la biodiversité).

Densité des obstacles à l'écoulement. Crédit : ONB

Quels sont les impacts de ces ouvrages ?

Les ouvrages ont de nombreux impacts sur les écosystèmes. Ils empêchent la libre circulation des espèces aquatiques en particulier des poissons migrateurs qui accèdent difficilement ou pas du tout à leurs habitats de reproduction ou de croissance. De plus, le ralentissement des écoulements et le piégeage des sédiments grossiers dus à la présence d’ouvrages transversaux altèrent les habitats aquatiques en les rendant uniformes et pauvres en substrats. Les habitats sont modifiés - milieux courants qui deviennent lentiques -, et donc moins, ou plus du tout, adaptés aux espèces censées les coloniser. Par ailleurs l’isolement de ces espèces peut conduire à un appauvrissement génétique.
Les obstacles ont également des impacts sur la qualité de l’eau. En ralentissant le courant les zones stagnantes ainsi créées entraînent un réchauffement de l’eau et une perte d’oxygénation. En conséquence, la faune aquatique peut être asphyxiée due à la présence algues se développent (phénomène d’eutrophisation).

Pour évaluer le risque sur la circulation piscicole, l'OFB a élaboré un protocole national qui détaille les données spécifiques à recueillir sur le terrain ainsi que leur méthodes d'acquisition. Appelé ICE (informations sur la continuité écologique), ce protocole a été élaboré avec un groupe de scientifiques nationaux et internationaux.

Comment réduire les impacts des obstacles à l'écoulement ?

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Remise du cours d'eau de la Digeanne dans son talweg d'origine et suppression d'un obstacle à la continuité écologique. Crédit photo : François Huger
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En fonction de l’évaluation des risques, du type d’obstacle et de ses services rendus, plusieurs solutions sont envisageables. Des aménagements sur les installations peuvent être envisagés comme la réduction de la taille de l’obstacle ou l’installation de passes à poissons pour faciliter la migration des espèces.
Lorsque cela est possible, la suppression de l’obstacle reste la solution la plus efficace pour retrouver une continuité écologique fonctionnelle. Cet effacement doit parfois s’accompagner de mesures pour ne pas perturber la biodiversité et pour garantir le maintien des usages.
Dans certains cas très spécifiques, l’ouvrage peut être « accompagné à l’abandon » en laissant le temps faire son office tout en suivant le processus de dégradation. Cette solution a l’avantage d’induire un bouleversement moins rapide qu’une suppression pour les milieux et usages.

Des solutions peuvent également être envisagées au niveau du plan de gestion de l’obstacle. Par exemple, l’ouverture temporaire des vannes permet aux sédiments de se déplacer à nouveau.

Le plan national de restauration de la continuité écologique

La restauration de la continuité écologique est une condition indispensable à l’atteinte de l’objectif de bon état des cours d’eau fixé par la Directive cadre européenne sur l’eau. Pour ce faire, l’État a lancé en 2009 un plan de restauration de la continuité écologique des cours d’eau.

Ce plan a pour objectif de mieux coordonner et de créer des synergies entre les politiques portées par l’Etat et ses établissements publics, notamment les Agences de l’eau et l’OFB (à l’époque ONEMA). Il se décline en 5 axes :

  • la connaissance avec la création du référentiel national des obstacles à l’écoulement ;
  • la définition des priorités par bassin en établissant une stratégie de restauration partagée par l’ensemble des services de l’Etat et des établissements publics concernés ;
  • la révision des programmes des agences de l’eau et les contrats d’objectifs des établissements publics pour renforcer leurs aides aux actions de restauration de la continuité écologique des cours d’eau ;
  • la police de l’eau par la mise en place d’un programme pluriannuel de mise aux normes des ouvrages et d’effacement des ouvrages ;
  • l’évaluation des bénéfices environnementaux en effectuant un suivi des ouvrages aménagés, y compris effacés.

Ce plan qui prévoyait l’aménagement ou l’effacement de 1 200 ouvrages transversaux prioritaires en 2012, s’est heurté à une opposition des propriétaires des aménagements et notamment des propriétaires de moulins hydrauliques.
Un nouveau « plan d’actions pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique » a vu le jour en 2019 avec pour objectif de mieux prendre en compte l’ensemble des parties prenantes et des politiques publiques :

  • la protection des espèces et la restauration des milieux aquatiques
  • le développement des énergies renouvelables, en particulier l’hydroélectricité
  • la conservation du patrimoine culturel et paysager
  • la pratique et le développement des sports et loisirs nautiques
  • le développement de la production aquacole

Ce plan se décline en 7 actions et prévoit notamment une priorisation temporelle des ouvrages à traiter.

L'OFB, acteur de la continuité écologique

L'Office français de la biodiversité agit aussi bien localement qu'à l'échelle nationale.

Au niveau territorial, les services de l’OFB viennent en appui à la loi sur l’eau et des milieux aquatiques en réalisant des contrôles de conformité des ouvrages (barrage ou seuil) et en donnant des avis techniques aux services instructeurs de l'Etat sur les dossiers d’autorisation dans le cadre des nouveaux obstacles.
Ils développent aussi la connaissance dans leur territoire sur les ouvrages existants et évaluent leurs impacts écologiques. Ce diagnostic leur sert pour donner leur avis technique sur la solution de restauration proposée par le maitre d’ouvrage.
Les agents de l'OFB contribuent également à la formation des gestionnaires des milieux aquatiques sur les nouvelles méthodes et protocoles.

Contrôle d'une passe à poissons. Crédit photo : Sébastien Lamy / OFB

Au niveau national, l’OFB met en oeuvre et/ou finance des programmes de recherche et de développement sur divers aspects de la connaissance, notamment sur le fonctionnement sédimentaire des rivières et sur les comportements de populations piscicoles face à des obstacles. Ces programmes permettent par exemple au pôle éco-hydraulique de Toulouse de mettre au point des dispositifs de franchissement piscicole.
L’établissement met également au point divers outils utilisés pour les missions de police de l’eau (contrôles, avis techniques).
Concernant les ouvrages, il développe des bases de données et met au point un protocole de suivi et de diagnostic.
Enfin, l'Office français de la biodiversité pilote le Centre de ressources Cours d’eau qui permet de capitaliser, partager et diffuser, des guides, des retours d'expérience et des outils de sensibilisation sur la restauration de la continuité écologique.